lundi 30 juin 2008

Court Toujours, fin de course

Le festival Court Toujours est terminé, et sa dernière édition fut une réussite. La forme courte reste d'actualité pour la Scène Nationale et fera l'objet d'une programmation tout au long de l'année au Théâtre & Auditorium de Poitiers.
Merci à tous et à toutes pour ce que vous avez apporté au festival, et merci à ceux qui ont permis d'alimenter ce blog. Les travaux et productions du groupe témoin autour d'Abattoir, les textes de l'atelier d'écriture journalistique, ainsi que le corpus thématique autour du thème du monstrueux restent en ligne et accessibles pour le moment.
Nous vous souhaitons bonne lecture.

lundi 9 juin 2008

Dance with the memory


Originaire d’Afrique du sud, Steven Cohen a eu la chance de ne connaître ce passé de la déportation que tard car ses grands parents ont fui la Shoa et se sont réfugiés en Afrique. Il vit depuis six ans en France, un pays qu’il admire mais dans lequel il a du mal à trouver sa place de par ses multiples étiquettes sexuelles et religieuses. Le spectacle qu’il nous a présenté « Dancing inside out » exprime un côté très personnel de l’artiste. Il mêle son regard personnel sur l’époque de la Guerre, sur lui-même avec l’histoire avec un grand « H ».
Porteur de symboles forts basés sur la religion, la sexualité et l’antisémitisme, le spectacle suscite la réflexion sur soi même, sur le devoir de mémoire mais également sur les rapports humains et ce qu’il y a de plus détestable chez l’homme, le rejet et la ségrégation.
Steven présente une danse paraissant improvisée mais totalement maîtrisée sur fond de sons et d’images d’archives évoquant l’époque douloureuse de l’occupation et de la déportation, il se livre entièrement dans son plus simple pareil. Il soulève plein de tabous qui peuvent avoir rapport à nos propres histoires personnelles. Le rapport à ce corps usé, qui a vécu, donne une image imparfaite de l’être et peut choquer davantage que la nudité.

Un artiste engagé
Paradoxalement, alors que le spectacle est interdit aux moins de 18 ans, Steven lance par son spectacle un appel aux plus jeunes : « Les enfants sont ceux à qui l’on doit s’adresser prioritairement dans le langage violent qui est le leur ».
Choquant, provocateur, le spectacle suscite des interrogations qui, au final, permettent d’apporter une seconde lecture différente de ce que l’on voit sur scène et de nous remettre en cause éventuellement. La vidéo de fond où on le voit ainsi danser dans la cour du centre d’histoire de la résistance de Lyon où il croise enfants et adultes exprime les différences de points de vue que l’on est susceptible d’observer dans un tel spectacle entre adultes, responsables, faisant mine de rien avec une certaine hypocrisie et les enfants qui ont un regard plus ouverts et qui ricanent par l’originalité.
Malgré cette liberté d‘expression semblant totale, il se donne des limites : « J’essaye de ne pas danser, de ne pas intervenir dans les lieux qui ne m’appartiennent pas. Pas dans les églises, plein d’endroits … » précise t-il.
Steven nous surprend jusqu’au bout dans un spectacle exprimant liberté, engagement politique et religieux et choix personnels.

Jérémy Valladon, atelier d'écriture journalistique de Court Toujours

dimanche 8 juin 2008

Monstres et compagnie

Hippotheatron est un spectacle qualifié à la fois de théâtre d’objets et de jeux de marionnettes, une alliance curieuse mais réussie !

Quelques minutes d’attente dans un petit couloir avant que ne s’ouvre la porte et que nous soyons entraînés dans une curieuse foire aux monstres. James Bailey, ancien montreur de phénomènes, nous présente ses monstres, plus suggérés que dévoilés et plus drôles qu’effrayants ! En effet, les personnages sont représentés par… de la vaisselle à l’effigie de la curiosité de ces monstres : l’homme tronc, les sœurs siamoises, les lilliputiens… Un spectacle qui met en scène des objets – marionnettes sur un fond de musique et avec des sous-titrages pour mieux comprendre l’histoire d’amour entre ces monstres, trame de cette représentation.

Julien Mellano use avec justesse de tous ses trucs et astuces, inventions loufoques. On se prend au jeu et on remonte le temps à la rencontre de tous ces phénomènes de foires. Une plongée dans l’inconnu et une atmosphère envoûtante qui plairont aux petits comme aux grands.

Prochaines représentations Hippotheatron

- samedi 7 juin à 20h40 et 22h20

- dimanche 8 juin à 17h30 et 19h20

Stéphanie Delaitre / Atelier d’écriture journalistique de Court Toujours

A chacun son monstre

Quel monstre sommeille en nous ? C’est la question que l’on se pose face au spectacle de Nicolas Bonneau, « Au bonheur des monstres ». Il nous présente une succession d’histoires et de personnages d’apparence ordinaire mais qui ont chacun une zone d’ombre et des pulsions. Ce sont des meurtriers d’un jour. Néanmoins malgré le côté sordide de ces récits, Nicolas Bonneau sait y mettre une touche d’humour et on finit par rire de tous ces meurtres. On compatit, on trouve ces actes justifiés, bref, les monstres de Nicolas Bonneau nous questionnent sur nos propres démons. Bienvenue au parc des petits monstres ordinaires….

Prochaine représentation « Au bonheur des monstres »

Dimanche 8 juin à 17h00 et 18h50

Stéphanie Delaitre / Atelier d’écriture journalistique de Court Toujours

A l'intérieur du secret

Etienne Pommeret met en scène le secret, sa vitalité, tel que l’a écrit Jon Fosse.

Et si l’on vous proposait de voyager au plus profond de l’âme. Vous soupçonneriez l’imposture ? Et vous auriez sûrement raison « …car l’âme, on ne la voit jamais, elle ne se laisse pas voir, c’est comme ça.» Nous voilà donc rassurés : « L’âme, c’est comme ça. » et c’est justement comme ça qu’on l’imaginait depuis longtemps.

Entrez dans « le Sas ». Et comme cette « scène » porte bien son nom, car c’est bien de théâtre dont il est question si l’on se réfère au programme du festival. Imaginez, une petite pièce dont les murs sont couverts de tentures noires. Au centre de ce petit espace, une sorte de boîte, comme une cabine d’essayage, avec un miroir de chaque coté dans lequel se reflète le public. De la musique vous parvient. Les lumières s’éteignent progressivement, laissant apparaître un homme, derrière le miroir… sans tain : « Le plus important n’est pas de se souvenir, mais d’oublier.» Un homme, va nous emmener au plus intime de l’âme, nous voilà pris dans l’engrenage de ses pensées. Le regard de Jean-Pierre Berthomier est intense et captivant. Ces questions qu’ils se posent deviennent nôtres. Il tourne sur lui-même comme notre réflexion fascinée. « Ce qui est compris n’existe pas, sauf en tant que chose comprise » Vivre dans le secret nous montre un homme qui se pose des questions et qui tente de leurs apporter des éléments de réponse, devant nous, avec nous. « Qu’on me laisse vivre dans le secret. »

On en oublierait presque d’applaudir, déconcertés.

7 minutes pour se remuer les méninges. Attention ! 15 personnes par séances seulement !

Samedi 7 –19h30/21h30/23h dans le SAS. Boucle de 7min.

AméLie. Atelier d'écriture journalistique de Court Toujours

Que Brad nous vienne en aide!

La lecture de la pièce de Christian Lollike, auteur danois, nous emmène du côté de la « pop politique ». Un monde où Brad Pitt est le héros, et vient sauver le monde des catastrophes écologiques et des problèmes sociaux. Le monde vu comme un scénario de film catastrophe, façonné à l’américaine. Les trois interprètes sur scène se partagent le rôle du bienfaiteur. Les ambiances s’enchaînent, une Garden party organisée par Angelina J, le tournage d’un film où Brad n’est autre que travailleur sur les chantiers de démantèlement, une discussion entre l’ancien héros et sa petite fille. On passe d’un présent où ils savaient, où ils voulaient agir, rongés par la culpabilité de ne rien faire « Punis-moi de ne pas agir ! » à un futur où les reportages télévisés diffusent la désintégration des hommes sous les pluies acides. Et la question de la petite-fille à Brad : « vous ne saviez pas, pourquoi vous n’avez rien fait ? ».

Cette lecture, habilement menée par les quatre comédiens nous dévoilent toute l’ironie de l’auteur, face à ce Charity Business. Les tics de Brad repris subtilement, les paroles tendres d’Angelina « embrasse-moi », tout cela mêlé aux propos sur l’écologie et comment sauver le monde. Mais n’oublions pas l’amour, présent du début à la fin car tout est bien qui finit bien quand Brad est le héros, « ils s’aimèrent jusqu’à la fin des temps ». Rendre à cette pièce tout son propos sans le caricaturer, ni le dénaturer, c’est le parti brièvement et sobrement relevé par cette lecture.

Si vous avez loupé la séance proposée par le festival, vous pouvez toujours vous faire votre propre lecture de l’œuvre.

Julie Sicot, atelier d'écriture journalistique de Court Toujours

samedi 7 juin 2008

MONOLOGOS

Devinette

Un meeting d'abeilles bavardes?

Un concerto de vents dans des bambous chatouilleux?

Une compétition de tapotements d'orteils déchaînés?

Un frisson sur l'échine de mille oisillons frileux?

Un concours de roulements de "r" à l'espagnole?

Un claquement de langues collectif?

Un bourdonnement de feuilles mortes en automne?

Une invasion de flocons de neige invisibles?

Une ribambelle de grains de sable qui sursautent en coeur?

...

Et pourtant, elle est seule sur scène... Un petit morceau de folie douce.

Pour toutes les oreilles.

Mona CHARDIN

Monologos, de Luc Ferrari et Géraldine Keller

Les Bêtes Humaines...

Le titre fait frémir, Abattoir. Sang, couteaux, mort surgissent dans nos esprits. Alors quand on se retrouve devant le spectacle on a une certaine appréhension face à ce que l’on va voir, une peur d’être choqué. Mais finalement, ce qui nous interpelle le plus ce n’est pas la violence car il n’y en a pas hormis dans les mots, c’est tout ce qui est extérieur au texte. Tout ce décor que l’on voit ou que l’on entend. Un petit côté désuet, décalé. Que ce soit la tenue de l’interprète féminine, mélange improbable des genres, ou encore les musiques hétéroclites qui annoncent les différents tableaux. On passe d’un thème qui fait penser à La petite maison dans la prairie, à un morceau de rock sur vitaminé et on finit avec What a wonderful world d’Armstrong, le tout entrecoupé de sonorités mécaniques et ciselées. La musique laisse quelquefois sourire par son côté ironique, mais au final on se dit que ce n’est pas si mal trouvé. Car ça colle, les textes entrent en scène et on comprend mieux. Les paroles des ouvriers trouvent leur sens et nous emmènent entre nostalgie et colère. La nostalgie d’une époque où ils se disaient que le travail à l’usine ça serait temporaire, finalement ça dure et puis la vie reprend le dessus, les enfants, les maris, le besoin de deux salaires. La colère face à son corps qui se détruit et qui ne veut plus avancer, mais il faut que ca avance, que ca continue, les rendements sont omniprésents. Dans un système où le mot d’ordre est cadence, tous les gestes sont répétitifs « coupez, appuyez, coupez, appuyez ». Les corps tombent et retombent, fatigués par les mouvements, usés. Le spectacle nous montre cette usure, ces sentiments de révolte et de fatigue, par une interprétation sobre et juste. Le texte est mis en avant, après tout c’est lui qui compte, c’est entendre ces vies. Et le spectacle réussit son pari d’être humaniste. Ils ne jugent pas et met en scène habilement l’envers du décor loin des bêtes mortes. Il montre de manière réaliste la pression ridicule des chefs pour le rendement, le marché des promotions, les petits secrets qui font avancer les ouvriers plus vite, le licenciement. Bref, c’est un spectacle de l’autre côté du miroir qui se nourrit de son côté décalé pour mieux servir le message qu’il porte. Un spectacle où les bêtes ne sont pas toujours celles que l’on croit.

Julie Sicot , atelier d'ériture journalistique de Court Toujours

vendredi 6 juin 2008

HIPPOTHEATRON - Le saltimbanque du conte

Une salle obscure nous présentant un cirque itinérant de début du siècle et nous sommes d’emblée embarqué dans un univers sombre et mystérieux, celui de Julien Mellano. Sous les traits de James Bailey, ancien montreur de phénomènes de foire qui n’a plus rien à montré à son grand désespoir, il nous narre les grandes lignes du film « Freaks ». Ici point d’acteurs pour jouer les lilliputiens Hans et Frieda et autre femme à barbe, les personnages sont réinterprétés par des éléments de vaisselle donnant une interprétation plus plastique du film.

Notre hôte parlant en anglais, des sous titres sont à la disposition des spectateurs sous diverses manières rendant le show davantage interactif. Ces derniers ajoutés à des musiques mêlant cacophonie burlesque et extraits sonores du film nous replongent dans l’univers des films des années 30. Sans pour autant retomber dans la reconstitution narrative d’origine, les fans du film « Freaks » retrouveront toute l’atmosphère angoissante et mystérieuse du film de Ted Browning.

Julien Mellano est un hôte particulièrement envoûtant qui alterne mime et jeu d’acteur. Pour ceux ne connaissant pas le film, ce spectacle reste une bonne séance de rattrapage.

HIPPOTHEATRON

Samedi 7 – 20h40 / 22h20

Dimanche 8 – 17h30 / 19h20

Gymnase

Jérémy Valladon, atelier d'écriture journalistique de Court Toujours

DURACELL - Un musicien monté sur batterie

Un lieu atypique pour une expérience hors du commun. Andrew « Duracell » Dymond nous fait faire un bond dans le temps et nous fait partager ses souvenirs d’enfance de trentenaire. En effet, Duracell met toute son énergie et son amour à nous faire revivre les grands thèmes musicaux de jeux vidéo des consoles Atari et autre Comodor 64.

Avec sa seule batterie, il joue en compagnie de samples informatiques et nous donne une interprétation très humaine de ces thèmes qui évoluent selon les sensations du musicien. Duracell ne fait pas que ressentir la musique, il la vit au profit d’une interprétation originale et décalée.

Un instant de nostalgie qui reste trop court et à conseiller aux puristes comme aux aficionados de cette époque. Chaque représentation proposera des thèmes différents.

DURACELL

Vendredi 6 23h25 – hall

Jérémy Valladon, atelier d'écriture journalistique de Court Toujours

It's not a wonderful world

Il n’y a rien d’autre que les corps. Ceux des bêtes d’abord, celles qui meurent, minute après minute. Et puis ceux des hommes, les témoins, les acteurs de cette cadence mortuaire. Abattoir n’est pas un spectacle, au sens noble et orgueilleux du terme. De fait, ce ne sont pas les lumières de la salle qui s’éteignent les premières mais celles de la scène, qui se mettent à faiblir, à clignoter, au rythme des sons d’une usine. Agression sonore. Puis viennent les paroles. Les mots sont dits, sans effet, juste là pour décrire une réalité, dont aucune reproduction matérielle n’est possible. Les scènes s’enchaînent. Le lien reste. C’est l’histoire des ces hommes et femmes que la vie a jeté dans la gueule de l’abattoir. Les victimes de la cadence. Aux mots s’ajoutent les lumières. Le blanc cru d’une poursuite projeté sur le visage d’un témoin. Ses yeux semblent absents, les ombres lui donnent un air de mort. Et il s’agit bien de cela. Les employés d’un abattoir meurent à petit feu, victimes de la mécanisation de leur travail. Ils subissent. Tout. Leurs chefs, leur devoir de produire toujours plus et toujours plus vite, leur besoin d’argent, et la vie qui peu à peu les aliène et les tient prisonnier. Et puis parfois dans cet univers jaillit la lumière rouge, qui nous rappelle que le sang, si il vit encore dans les veines des travailleurs c’est qu’il jaillit des cadavres d’animaux qu’ils dépècent. Les mots jaillissent donc mais les corps des trois acteurs parlent également d’eux-même. La douleur est présente. Cette douleur qui terrasse les ouvriers, à force de répéter encore et toujours le même geste. Mais Abattoir n’est jamais dans l’exagération ou le misérabilisme. Si le témoignage est dur, la création théâtrale s’en fait la porte-parole et non la dénonciatrice critique. Le spectateur est mis en face d’un univers qui lui est inconnu, et on ne lui dit pas comment l’appréhender. C’est chacun qui écoute, ressent, comprend ou s’offusque. Mais justement, la qualité d’abattoir est de ne pas juger. A chaque spectateur de le faire pour soi, si bon lui semble et si il en ressent l’envie ou le besoin.

Sarah Maquet, atelier d'écriture journalistique de Court Toujours

La mère veille

Anne Courpron, alias Eveline Bichon fait claquer ses talons, essuie ses lunettes. Une fois... puis deux. Car c'est du sérieux, mesdames et messieurs. Son oeil pétillant vous scrute, et dès lors il n'y a plus de doute possible : vous êtes face à une spécialiste, une vraie.

« On a TOUS une maman. » C'est grave docteur? En tout cas, ça se soigne, semble promettre Eveline. Et on la croit volontiers, juste pour voir où cette « séance-conférence thérapeutique » va nous mener... Pas de déception : elle nous secoue de son énergie délirante, nous délivre ses conseils infaillibles, pétille en crescendo... un vrai tourbillon! Chacune des anecdotes croustillantes qu'elle évoque semble illustrer notre propre famille, nous rapportant à notre petite histoire personnelle, elle aussi parsemée de hontes et de colères refoulées envers nos chères mamans...allons, soyons francs, et n'ayons pas peur des mots! Eveline nous connaît, Eveline est là pour nous soigner.

Et si vous n'êtes pas totalement convaincus par l'idée d'accepter vous aussi votre mamernalité, peut-être serez-vous juste charmés par le personnage... On rit sans complexe de l'enthousiasme de ce « médecin de la psyché », qui, elle en est persuadée, sait de quoi elle parle!

Mona CHARDIN, atelier d'écriture journalistique de Court Toujours

N'ayons pas peur des mots, Anne Courpron