mardi 12 février 2008

Théâtre d'exhibition

Nick Tomasovic
Freaks, La monstrueuse parade de Tod Browning
Le monstre, on le sait, n’existe qu’à partir du franchissement d’un seuil. Les spectacles de monstres n’auront de cesse de mettre en scène ce passage extraordinaire. Cette idée est déjà celle qui prévaut dans le choix même des créatures exposées. Le freak est toujours sur la frontière, entre l’homme et la femme, l’homme et l’animal, entre la réalité et l’illusion, le fait et le mythe, l’expérience et le fantasme. En outre, il se définit par l’excès, par la manifestation d’un dépassement. Il est trop grand ou trop petit, trop gros ou trop maigre, trop sexualisé ou trop désexualisé, trop déformé ou trop peu formé. Dans tous les cas, il outrepasse les catégories, les fait exploser ou bien en fait créer de nouvelles, insolites. D’ailleurs, les professionnels qui travaillaient dans le milieu forain et s’occupaient du show business des exhibitions de curiosités réinventaient des catégories en fonction des monstres qu’ils rencontraient. Une certaine classification existait néanmoins dans le métier, mais elle rendait compte davantage du type de numéro que des spécificités physiques. L’usage distinguait en effet les « born freaks », des « made freaks » et des « novelty acts ». Les premiers sont des monstres qui ont révélé dès leur naissance une anomalie physique qui les rend peu communs (nains, jumeaux, hydrocéphale, etc.) ; les second sont des personnes qui ont pratiqué sur elles-mêmes des expériences qui les ont rendues suffisamment différentes pour être exposées (mutilations, tatouages, etc.) ; la troisième catégorie recouvre les personnes capables de performances insolites spectaculaires (avaler des sabres, cracher du feu, charmer des serpents, etc.). Enfin, une dernière catégorie, les « gaffed freaks » regroupaient tous les simulateurs et autres imposteurs qui se faisaient passer pour des monstres dans des numéros truqués (dissimulation des bras sous une chemise ajustée, jambe supplémentaire appartenant à un complice, maquillage et postiche divers, etc.).

Texte en écho au spectacle Hippotheatron

"Ces histoires sont véridiques. Ce sont peut-être des paraboles, mais elles ne signifient ce qu'elles signifient que parce qu'elles sont vraies."

Paul Auster

Autour de... Monster Parade