jeudi 21 février 2008

Sur la poésie sonore

Une grande partie de la programmation de Court Toujours est consacrée à des travaux sonores expérimentaux, qu'on appelle musique industrielle, concrète, éléctroacoustique, acousmatique, bruitiste ou "noise", ou encore poésie sonore.
Un salon d'écoute sera installé pour diffuser différentes productions, dont celles, entre autres, de Jocelyn Robert, Luc Ferrari, David Jisse.

Vous voulez avoir une idée de ce qu'est la poésie sonore expérimentale? Petit hommage à Henri Chopin, grand poète sonore français, qui nous a quitté en janvier 2008.
Vous pouvez écouter ici ou

Changement de lumière

Auteur-témoin: Sophie Moine

répétition du 20-02-08

« On peut voir le light ? » Le light, le light ? Je n’y vois rien, ni light, ni rien, il fait complètement noir. 12 secondes dans le noir, c’est long. Une douche de lumière, au milieu de la scène. Une lumière froide de néon qui rappelle celle d’une salle de bain un peu glauque, blanche mais pas vraiment. 10 secondes dans le noir. La lumière devient chaude, elle envahit la salle. Au chronomètre, l’homme assis au centre de la scène a 10 secondes de noir pour déménager sa chaise et se mettre en place. C’est court, 10 secondes. C’est parti, pour voir…
Vrombissement qui épouse le rythme du clignotement lumineux, plein les oreilles. Rythme des corps de bêtes qui tombent, soutenu. Je me demande depuis combien de temps ça dure. A droite, une ombre dans le noir, l’homme va s’asseoir et prend la parole. « La voix est trop lente. ». Il passe de la lumière aux zones d’ombre. Il sort de la lumière et revient dedans. Il y a quelque chose de très pesant… pesant avec du light. « Noir ! … Lumière, s’il vous plaît ». C’est vrai ça, ce qu'ils disent, quelque chose d’inexorable.

Changement de température

Auteur-témoin: Alexandra Billon

répétition du 20-02-08

Tiens des changements… beaucoup plus de lamelles plastiques et les plus étroites ont remporté les suffrages, des pendrillons sur les côtés…l’impression d’une boîte, de la lumière rouge. J-B envoie le son : Joey Ramone !
Régis en robe de chambre : beaucoup d’attente entre les essais et il a froid. Edith : le micro mal réglé lui fait mal. La complicité de Claire et Anne.
On discute sur les fringues, sur ce qui sera le plus juste. Régis a opté pour la chemisette aux rayures jaune et orangé, Edith porte une jupette noire mais devra changer de culotte : « la culotte blanche c’est plus obscène » (Anne). Les chaussures font trop de bruit, il faut marcher sur la pointe.
Momo et ses bretelles, J-B et ses potards, Anne attentive au moindre détail, Claire qui a trop chaud. On discute, on précise les comptes, les cut lumière, quand on coupe le sifflet à Joey. Les essais s’enchaînent et on rediscute sur ce qui ne marche pas. Les danseurs doivent être plus présents dans leur texte, faire attention à la diction et à l’émotion de ces témoignages rudes et tranchants, J-B traque les bruits parasites. Puis c’est le tour de Christophe/Serge, l’homme qui marche qui devient l’homme assis sur une chaise. Et l’idée géniale de Momo sur la lumière. Ca bosse, ça bosse !!

La scène rouge

Auteur-témoin: Denis Reserbat-Plantey

répétition du 20-02-08

Les parties du spectacle se nomment. Il y a la « scène rouge », l’obscène disait-elle hier…
« L’homme assis » énumère et raconte, décrit et met à plat, désosse sa vie d’usine, distend les jointures de cette carcasse complexe de lieux divers où les bruits et les cadences oppressent.
Aujourd’hui semble être le jour des bruits, des sons, de leurs places. Comment flotter sans faire craquer le plancher et s’échapper dans le noir sans bruit entre deux images ? Ca craque dans le noir. Soit voler soit jouer ces pas. Le colloque sur scène s’organise. Des papotages . entre épais qui nous échappent, sauf peut-être au rusé qui a mis un micro zoom sur sa caméra.
Alors que décident-ils ? Moquette, carpette, pieds nus, volètent sans bruits d’ailes, fantômes aériens ?...Bruits de pas ou pas ? Les silences s’échangent et tardent, tendent l’air froid qui s’insinue depuis la coulisse. Ombres grises, on tousse un peu. Histoires de cuisine souligne-t-elle. Anne souligne, se déplie et revient, tourne et s’entortille dans un châle qui renferme son doute de dernière minute, sa certitude encore tiède. Qu’elle emporte contre elle depuis la table du festin jusqu’au plateau, qu’elle agite dans la lumière revenue. Les manettes, les lumières et le foutoir de la table du festin s’enrichissent de chocolat, de bouteilles, d’ordinateurs nouveaux. Anne se déplie et Claire file, pour proposer un geste, reprendre une posture
Le temps est suspendu parfois à ces échanges inaudibles, dans un brouillon furtif qui se fait là, devant nous entre ces gens épais.
Pendant les négociations, l’homme assis continue ses voyages pour tenter des pas moins lourds, évacuer la trace du bruit, inlassablement. La bande son se lâche. Marie Parle dans l’air mais malgré Edith qui écoute, dans ce rassemblement de plateau qui continue le débat mystérieux.
Sur la scène là-bas, les épais nous évacuent gentiment, sans y penser, et nous restons fixés dans nos fauteuils, images d’un public à venir.
Fini le désordre apparent ! Le chrono est sorti, les chiffres du temps vont parler, net et ferme. On y va, on attend, les piles des micros…Repères encore, au sol, dans l’air, du temps est en trop. Calons ces décalages.
L’extérieur s’impose soudain, par la voix d’un enfant qui apaisera la tension de sa mère attendant des nouvelles. Claire redonne le LA aux cafards qui doivent ramper en cadence et dos plat et sans trop de fracas. Aujourd’hui c’est le bruit.
La fatigue descend doucement. Le travail, les reprises, commencent à faire mal aux jointures. Le sujet même du texte du spectacle s’impose dans la viande des corps.
Image 5. Les cafards, le rythme, le conducteur, le détail bien aligné, la transition invisible car
cent fois répétée. Répéter, comme l’enfant le fait pour apprendre à parler, à faire et à comprendre, à mettre des mots sur les furies et les passions du monde. Couper, appuyer, user, répéter. Le cuir devient dur et pierre ! Le couteau ripe et dévie. Tout s’égare tandis que chez l’enfant la répétition construit et aligne vie à vie, mots à langues et gestes aux regards.
Le son, encore le son qui trouble et divise autour de la table des festins et ses lumières bleues. Bruit contre parole ? Quel niveau ?
La danseuse est fatiguée, le texte a perdu quelques mots et gagné des accents, de l’épaisseur.
Les repères collés au sol, aident et secourent. Comme le thé et la friandise chipée sur la table, lors d’un va et vient entre salle et plateau. Claire, d’un doigt précis, dégoupille le thermos de thé qui produit un son de hoquet soyeux et métallique. Claire aux doigts précis, qui dansent et dégoupillent le thé.
Serge repart au front des mots, reparle et affine, ferme ses phrases, pose des silences comme les dalles noires d’un pavage savant. Anne le suit, précise.Le temps est passé pour ce soir. Par couches successives, cent douze et dix fois, par morceaux, le déroulé se met en place, prend déjà son temps, son bruit, ses gestes.
Claire précise la nonchalance, sa pratique et sa raison, décline les clés de l’architecture profonde d’un balancé de jambe. Encore des essais de son, entre bruit de gaz et gouttes d’eau, jazz et Sex-pistols, bruissements et grattés chuintant des corps qui rampent. Des bruits de l’ailleurs, hors salle et hors propos, ce soir, pour faire assez doucement irruption et gommer la fatigue.
Un courant d’air amène de la nuit un vent de tabac blond.

Les juifs selon le racisme fasciste

George Montandon (1979-1944)
Comment reconnaître le juif
Nous avons rappelé, dans les premières lignes, l’effet qu’il produit sur la rétine. Enumérons maintenant ses caractères les plus courants. Ce sont :
- Un nez fortement convexe, d’ailleurs de façon différente chez les individus, fréquemment avec proéminence inférieure de la cloison nasale, et ailes très mobiles ; chez certains sujets de l’Europe sud-orientale, le profil en bec de vautour est si accusé que l’on pourrait croire à un produit sélectionné […].
- Des lèvres charnues, dont l’inférieure proémine souvent, parfois fortement […]. Des yeux peu enfoncés dans les orbites, avec, habituellement, quelque chose de plus humide, de plus marécageux que ce n’est le cas pour d’autres types raciaux, et une fente des paupières moins ouverte. […]
- Des caractères moins fréquents et moins marquants sont : le cheveu frisé […], les épaules légèrement voûtées, les pieds plats. Certaines attitudes sont également plus ou moins typiques, à savoir : le geste griffu, l’allure dégingandée.

Texte en écho au spectacle Dancing Inside Out

Dehors, la lune...

Auteur-témoin: Danièle

répétition du 20-02-08

Abattoir de abatteis, massacre. Usine, désormais.
Sur la scène, l’industrie est là. Symbolisée par presque rien.
De grandes bandes verticales, matière lourde, translucide.
Comme les lanières en plastique translucide qui, dans les usines, s’opacifient de frottements et de vieillissement.
Quelle matière première à transformer ?
Ici, c’est de l’humain dont il est question.
Dans le noir de la salle de Beaulieu, des femmes et des hommes mettent en mouvement le texte, travaillé comme une partition.
La parole conte le quotidien avec des phrases simples, des mots banals.
Mais ce n’est ni simple ni banal.
Le son trouve sa juste place pour que les corps bougent en accord avec les mots.
Il n’est pas en plus, il est avec.
Ce n’est pas magique, c’est du travail, encore du travail, toujours du travail.
Des essais transformés ou effacés.
Placer une main, enrouler une jambe, la dérouler moins vite, la retenir, marquer des pauses, trouver une posture en accord avec le texte, attendre le noir et s’en servir…
Et aussi, manger une banane, boire un peu d’eau, de café, croquer du chocolat, rire, sortir fumer une cigarette : la vie, quoi !
Dehors, la lune flotte dans un halo de léger brouillard.

mercredi 20 février 2008

J'ai envie de retourner la scène pour voir si la neige va tomber...

Auteur-témoin: Denis Reserbat-Plantey

répétition du 19-02-08

Travailler la journée.
Se hâter pour rejoindre le clan des épais qui dans le noir parlent, bougent et dansent, éclairent et bruitent, rient et se taisent en goûtant les silences.

Lorsque j’arrive, l’homme assis parle. De ferraille qui traverse la cervelle. Il y a toujours des réactions chez les bêtes…Le parleur ne bouge presque pas, sculpté par une lumière qui s’abat sur lui, sale et froide. La pénombre a des talents cachés. Edith doit montrer ses bras, J’en ai besoin dit l’une. Claire rôde dans le noir, déroulant de ses mains le corps des danseurs, montrant, glissante des esquisses de gestes, lentement essayés.
La table de festin s’est agrandie de deux éléments, couverts de fatras, entre gâteaux et liasses de textes. Les épais se parlent entre eux de mots et de corps.
Je galope avec le corps si le paragraphe est long...je me sers de mon regard…pour poser mes mains et trouver un interlocuteur. Claire approuve et danse du bout des doigts, décrivant l’espace, ce qui doit l’occuper. On essaye, on tente ces détails là. Les chemins, il faut essayer les chemins, précis dans l’improbable vide de cette scène en boîte noire, bordée de bandes plastiques que la pause a calmé.
Bruits : ça respire de très près. Un micro est ouvert. Les sons s’étagent sans peine. La ventilation assure la continuité du temps, en fond discret.
Le texte dit. Encore et de plus en plus précis, dense, les corps dansent aussi rajoutant leurs bruits de bougés lents à la voix du parleur. Les épais ont repris leur envol sous les yeux d’Anne et de Claire, eau de Javel, qui est la plus forte ! ?
On va garder ça. Et le rouge surgit, il a le temps de venir pour tout le monde…dix secondes… que tout le monde regarde le rouge ! Avance un peu, c’est compliqué. L’homme compte ses pas, la femme devient noire contre le plastique soudain gris. Les bruits assomment les corps présents, fausse alerte d’un curseur impatient, les micros se moquent des perceptions de la salle. Le rouge est démis, comme une épaule, une articulation. Anne et Claire parlent du noir qui vient. Avec l’homme du haut, celui du spectre solaire, qui fait à la commande le jour froid ou la nuit, les rouges ventrus de gélatines à numéros savants.
Edith réchauffe ses avant-bras dans un vacarme de chairs frottées. Le micro est ouvert, la salle frissonne avec elle. C’est doux.
On attend le signal, on garde les émotions, pour les polir plus tard, les tourner d’une gouge invisible. L’homme assis clignote un peu. Les hommes, la femme. Elle passe au travers des lambeaux. Je suis le bouche trou, c’est temporaire, pour longtemps. L’obscénité rouge et violente s’accorde à cette voix qui balance des mots de vaches qui meurent debout, de têtes dévastées, de corps qui souffrent à force de répéter.
Vous étiez très ensemble, et là on n’y arrive plus. Anne veille et relâche. Claire fait un colloque avec les autres épais, au milieu du plateau. Comment sortir de cette herse plastique, la traverser en jouant sur le mouvement, les lumières et la transparence des ces bandes suspendues. L’instant est grave, léger comme un quartier de bœuf. Les femmes élaborent et discutent. Les hommes mangent des friandises.
Bruits de boulons et de cintres, au ciel, dans le noir l’homme lumière est parti régler un soleil comme Anne le voulait. Edith est dans sa boule de lumière, gris froid. J’ai envie de retourner la scène pour voir si de la neige va tomber, comme dans ces figurines souvenir… Mais personne ne va renverser le monde.
Les mots en play-back changent les corps. La confusion s’installe, elle est à renchérir pour augmenter les épaisseurs…
Des corps assis, repérés, aux postes marqués au sol, équipés et scotchés, éclairés, fournis en mots écrits et en souffles diffusés, réchauffés par les demandes et les conseils, la paume des bras qui montre, redresse et vérifie.
Oui, il faut commencer à bouger dans le noir …L’enfant à naître aussi bougera dans le noir.
Une dernière fois, encore avant que la fatigue soit trop grande ?
Je m’éclipse, pour les laisser seuls, les épais et leurs acolytes. Entre eux, c’est bien ainsi.

ambiance de répèt'

Auteur-témoin: Alexandra Billon

Première journée de répétition / 18-02-08

J’arrive et le plateau est vide, pause pour tous. Je découvre la structure mise en place : un cadre rectangulaire où sont accrochées de grandes lamelles de plastiques, lumières blanches et froides… abattoir. Des sons de ciseaux.
Derrière les lamelles de plastique on entrevoit des corps flous, comme des fantômes. Pas de visage, une forme parmi d’autres et c’est tout. Des discussions s’ensuivent sur les jeux de lumière avec les lamelles de plastique. La danseuse doit-elle rester derrière ou passer devant ?
Ambiance dure des textes et du décor… techniciens attentifs…rire des danseurs quand un micro tombe…ambiance de répét’.

...Qui parle et d'où ça vient?

Auteur-témoin: Denis Reserbat-Plantey

Première journée de répétition / 18-02-08

Le hors champ est visible, l’arrière plan encombré, gommé par des rideaux en bandes larges de plastique translucide. Les micros crachent des bruits de corps frottés, des respirations, quelques mots bien appris, ordinaires et féroces, refuges des douleurs. Des danseurs déambulent. Ils bruitent leurs passages entre les lourdes bandes que la lumière agite. Récits, récits d’une ouvrière…
Pleurer à fond perdu, comme la tête s’étourdit en virevoltes. Bloquée, surprise, bloque ta peur au coin de ton épaule. Mal. Les ombres démantibulent ce noir qui change sous les doigts d’un technicien, au gré de la voix tournant ses colères et ses droits.
Les ombres rampent, les gris bougent, tassent les corps, quasi endormis dans une geste lente. Le texte s’échappe un peu. Anne remorque les mots envolés. Ce sera pour plus tard : ils couleront métalliques, ou pas, avec le reste.
Garder l’état provisoire de ce qui advient, sur le champ. Essayer des bruits matières et des chuintements, déformations de tout, pour croiser corps et mots, conseils et questions. Montre moi ce que tu veux. Tombe doucement, plus doucement, lentement. Le bois résonne. Rampe la cadence, grognent les micros, restent les souffles, affichés dans l’espace, en premier, et intimes, saturant l’espace de la scène. Tombez les corps, ensemble, petits insectes rieurs, swinguez 1 2 et 3 dans la pénombre ardoise. Il faut savoir par où on passe. La main, la main est une brûlure…qui travaille dur dans la tête…dormir, fini, les fourmis sont là. Les petits cafards qui tapent et retapent, avec des mains qui claquent et Claire qui reprend.
J’écris la chronique du tant pis, le mien. Les bouches soufflent. Musique !
Anne rassemble, Claire montre et pointe.
La pause laisse vide la salle et la table de répétition, site d’un festin étrange suspendu dix minutes. La table est pleine de fils et d’engins, d’écrans et de papiers, de sparadrap, de carnets, de piles, de verres et de boutons éléctriques marqués de codes savants.
Fin de la pause. Droit au noir pour tous, malgré l’obscène lampe rouge d’un équipement de secours, les flèches bleues d’une issue. Une odeur de tabac arrive avec l’air frais d’une issue entrouverte.
Depuis le plateau, la scène, la salle est un écran seulement organisé par les rangées de fauteuils. Un homme danseur est seul, assis, en train de grignoter un biscuit.
Un rire arrive des coulisses. La pause s’achève.
Une piétinade précède le retour des gens épais. Les témoins que nous essayons d’être sont plats comme des décors de Méliès. Nous les témoins assis. Les épais sont graciles et saillants dans le travail, par le jeu de leur hésitation précise, de plus en plus. Des bruitages découpent l’air noir. Des lames coupent et crissent. Des chairs, des cheveux, avec des ronds de lumière qui se chassent en tremblant. J’ai envie du retour des épais dans des jaillissements ralentis juste en grincements, dans des jets immobiles de vacarmes soyeux.
Une femme parle, au loin, derrière le translucide. Comment voir et aller plus loin ? Trop loin ? Tuer des vaches, dire des mots, toutes les minutes pour respirer et laisser la souffrance dans les soupirs d’ouvrières usées….
Ombres lourdes ou délicates, grasses et flouées, empreintes sur des rideaux de douche, ou teintes à la Degas pour danseuse immobile. Viande emballée dans un reflet plastique que la lumière agite doucement en lambeaux ternes et figures vivaces.

On recherche le pivot, l’aspect du corps, le profil d’Edith, durant sa tirade. Qui parle et d’où ça vient ? Semer le doute et décaler image et son. Le montage repointe son museau : le cinéma n’est jamais loin du fil de l’image en train de se faire.. Les gestes sont envoyés vers le public, comme on teste un costume, un ton de réplique. Les épais sont tous en scène, subtilement aplatis derrière l’écran terne. Ils se parlent, rient et se remarquent. Nous nous taisons, ravis.
Anne veut des quarts d’heures, pour les costumes, la lumière. Essayer, voir et reprendre.
Claire marche doucement au dessus du sol, à quelques centimètres.
Ca parle d’horaires, pour essayer demain, plus avant.
C’est la nuit qui vient tout ranger derrière nos yeux.

Témoins de quoi serons-nous bien?

Auteur-témoin: Denis Reserbat-Plantey

A la suite de la réunion de présentation avec Anne Théron et Claire Servant, le mercredi 13 février 2008.

Le choc de nos chairs. Inconnus, peu ou pas, rassemblés par un formulaire à remplir, par des envies de voir comment c’est, le dedans du ventre de la bête. Anne et Claire sont là, expliquent et délimitent. Le titre, la création qui se déplie, comme le mascaret sur l’estuaire, tout mélangé de limons divers, d’une eau salé ou demi douce.
De quelle caste serons nous ? Il y a des envies, dites et esquissées, de proximité, d’entre nous, de confrérie. Tous et toutes créateurs ? Le vide des mots risque de ronger le bastingage. Chacun fera son chemin, à l’ombre des forêts que Claire, Anne et les autres vont extirper, lisser, essayer, dans une fabricature intime qui ne nous aura au mieux que comme témoins, au loin, comme on croit être prêt de l’oiseau lorsqu’on le braque avec la longue vue.
Les machines de l’image sont présentes dans les mots des uns et des autres. Ces machines à effet de réel, que vont-elles nous cacher en prétendant montrer les ressorts du monde ? Les patients veulent comprendre leurs rêves, les enfants démonter le jouet, les curieux espionner le voisin et sa voisine. Témoins de quoi serons-nous bien ? Je n’en sais rien et je n’aurai aucune réponse pour autrui. J’ai juste envie de vérifier que je sais toujours regarder et écouter, traduire dans mes langues que « c’est ma viande qui fait ça », que dans la craie, c’est la falaise qui m’importe aussi,. dans la plume l’oiseau, dans les yeux un reflet de mots en caresse.

mardi 19 février 2008

Le groupe témoin d' "Abattoir"

15 personnes, amateurs ou non de théâtre et autres disciplines artistiques hybrides, ayant en tous cas un intérêt pour le plateau, et ce qui peut s'y passer avant la production dite "finalisée", assistent aux répétitions d' Abattoir, spectacle mis en scène par Anne Théron et Claire Servant. En tant que participants d'un groupe témoin, suivant au jour le jour les avancées de ce spectacle, 15 personnes pour 15 regards différents, 15 approches de la "cuisine" d'un spectacle, comme le dit Anne Théron. 15 sensibilités qui utiliseront divers supports, dont l'écriture, mais aussi l'image sous toutes ses formes.
Retranscription de ce journal de la création sur ce blog, dans la rubrique "Abattoir".

lundi 18 février 2008

Diane Arbus, photographe de la singularité

"La plupart des gens traversent la vie craignant d’avoir une expérience traumatique. Les freaks sont nés avec leur trauma. Ils ont réussi leur test de la vie. Ce sont des aristocrates."

Ses images sont singulières, troublantes, obsédantes. Diane Arbus aime photographier les marginaux, elle est même fascinée par les personnages hors normes : travestis, malades mentaux, monstres de foire (les "freaks"), nudistes, jumeaux… Les images de Diane Arbus interrogent sur l'identité de ces "icônes" hors du commun.

Diane Arbus est née en 1923 à New York. C'est à l'âge de 14 ans qu'elle rencontre son futur mari, Allan Arbus. Ils ouvrent ensemble un magasin de photo de mode après la seconde guerre mondiale. En réalité, c'est Allan qui prend les photos, Diane tient le rôle de styliste et démarche auprès des agences. Ses premières photos personnelles ne datent que de 1957 environ. Elle s'extrait peu à peu du duo qu'elle formait avec son mari au profit de son inspiration. Le couple se sépare en 1960. Elle étudie alors la photographie à la New School de New York. Diane Arbus concentre son activité à New York et ses alentours, photographiant des inconnus dans la rue. Fascinée par les personnages hors-normes, elle photographie également des travestis, des malades mentaux, des jumeaux etc. En mélangeant le familier avec le bizarre, Diane Arbus dresse un portrait troublant de l'Amérique des années soixante.
Dépressive, Diane Arbus se suicide le 26 juillet 1971.

Pour voir un bon site de photographies de Diane Arbus, cliquez ici.

Autour de... Makadam Kanibal

Freaks, la monstrueuse parade







Photos en écho au spectacle Hippotheatron